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Lampaul-Plouarzel, commune de 1458 habitants au dernier recensement, fait partie du canton de Saint-Renan, arrondissement de Brest. Elle est limitée, à l'Ouest par la mer, et dans les autres directions par la vaste commune de Plouarzel (paroisses de Plouarzel et de Trézien).
L'éponyme de la paroisse est Saint Paul de Léon. Et comme le mot "lann" signifie monastère, prieuré, Lampaul doit donc se traduire : "monastère de Paul". Ces vocables avec le préfixe "lann" sont anciens et remontent aux Vè - VIIè siècles.
Saint Paul-Aurélien, premier évêque de Léon, naquit au Pays de Galles et fut formé à l'école monastique de Saint Hildut, voisine du canal de Bristol. Sous la poussée des Saxons envahisseurs, vers le début du VIè siècle, il émigra d'Angleterre en notre Armorique. La tradition le fait débarquer à Ouessant et passer aux trois Lampaul de la contrée : Lampaul-Plouarzel, Lampaul-Ploudalmézeau et Lampaul-Guimiliau. Toujours est-il que ces trois derniers noms remontent loin dans l'histoire. Quand Saint Paul pénétra dans l'enceinte qui devait plus tard porter son nom, ce territoire s'appelait Castellum leonense, "le castel de la légion" romaine qui y résidait. Nous le connaissons aujourd'hui sous le nom de Castel-Paol : c'est la cité de Saint-Paul-de-Léon.
Placée sur le littoral, la commune de Lampaul, à côté de vastes dunes désertiques, présente de nombreuses plages de sable fin. Celle de Porspaul figure dans une baie bien abritée où se blottit toute une flottille de bateaux. C'est dans ce port que rentrent du large les marins, avec le produit de leur pêche. Plus au nord, s'étalent les grèves de Pors-Guen, du Gouérou et de Porscave. Notons aussi les criques de Créguin, Porsgoret, Pors-ar-Feunteun, Pors-ar-marc'h. De toute la côte, on jouit d'une vue superbe sur la mer océane. Au loin, l'horizon est barré par la masse sombre d'Ouessant, tel un vaisseau à l'ancre. En deçà, se profilent Molène -séparée d'Ouessant par le fameux passage du Fromveur- et tout un archipel formé de nombreux îlots : Triélen, Quéménez, Benniguet, Balanec, Bannec... Il est peu de passages plus fréquentés. Il en est peu surtout qui soient aussi semés d'écueils, dangereux pour les navires par gros temps.
Si, de jour, le spectacle de cette mer immense, tachetée de points
noirs, est on ne peut plus grandiose,... que dire de l'émotion qu'il
met au coeur la nuit, quand les blancs faisceaux de lumière du Créac'h
et du Stiff en Ouessant et d'autres éclats rouges viennent, par
intermittence, balayer l'océan ? Le vieux proverbe monte alors à
la mémoire :
La côte elle-même, du Conquet à l'Aber-Ildut, est abrupte et sauvage. Avec la pointe de Kermorvan, qui termine l'anse des Blancs-Sablons, avec celle de Corsen, elle offre mille accidents de terrain, mille fissures, mille crevasses dans lesquelles mugissent les vagues.
Que de navires ont sombré dans ces sinistres passages ! Nombreux sont les naufrages que relate "l'Inventaire sommaire des Archives du Finistère et de l'Amirauté de Léon". En voici quelques spécimens :
En 1697, c'est la perte de la Marie-Laurence, de l'île d'Yeu, en face de Lampaul-Plouarzel. Venant de Bordeaux, ce bateau faisait route vers Morlaix, avec un chargement de vin.
Puis c'est le tour, en 1698, de la Catherine de Roscoff ; de la Sarah
de Londres, en 1706, de la Gentille de Dieppe. En 1717 se perd la Marie-Louise
de Dunkerque ; en 1784, le Prophète-Elie parti de Brest ; en 1785,
la barque Notre Dame de l'Aber-Ildut ; en 1786, la Notre-Dame de l'Aber-Ildut
; puis, la même année, la Marie-Françoise.
En voici la nomenclature par ordre alphabétique, avec un essai de traduction française. Pour une traduction sûre, il faudrait avoir la vieille forme des mots.
Bourg (le)
Kerouzilic
Carpont pont pour charrette
Kernaeret village de la couleuvre
Creac'h le tertre
Keroriou village des limites
Creac'h Gad le tertre du lièvre ou Kerzaon
village de la vallée du combat
Lambaol Goz le vieux Lampaul
Croas Hir la croix longue
Logodor chasseur de souris
Hellen (le)
Pelléoc
Keramélon village du jaune
Pen ar Créac'h bout du tertre
Ker ar Groaz village de la croix
Pen Kaer bout du villlage
Kerbeleyen village des prêtres
Perros bout de la colline
Ker C'hilloc village du coq
Porscave port de l'esquif 1
Kergouzoc'h village de la litière
Porspaul port de Paul
Kerguerezoc village où abondent les
cerises
Prioldi (ar) la maison du prieur
Kerievel village des jumeaux
Reun (ar) l'éminence
Kerizouarn village de Hervé
Roc'hennic la petite roche
Kerjacob village de Jacob
Troc'hoat coupure dans le bois
Kerlifrin village enchanteur
Tyneves maison neuve
Kerludu village de la cendre
Velloc
Il s'agit ici des monuments de pierre de la préhistoire. Ces pierres d'un genre spécial, souvent marquées au sommet ou sur les côtés d'une ou de plusieurs cupules, semblent être des vestiges de l'ancien culte païen. On en trouve en Orient, notamment dans la vieille terre de Chanaan, la Terre Promise de l'Ancien Testament. Il y en avait de nombreuses chez nous au temps jadis : la plupart ont disparu.
Les formes de ces pierres sont diverses. En dehors des dolmens, monuments funéraires, et des menhirs, sans doute eux aussi objets du culte 2 , il y a les parallélépipèdes granitiques à forme rectangulaire ou trapézoïdale, les pierres coniques ou à tronc de cône, les blocs phalliques proprement dits rappelant les sources mâles de la vie, les stèles cannelées ou lisses. On peut y ajouter certaines autres pierres assez nformes, mais percées de cupules.
Notons pour Lampaul quelques-uns de ces monuments. Au coin Sud-Est du cimetière, à l'extérieur, une pierre à cupules. Entre la maison des Filles du Saint-Esprit et l'immeuble de M. Cornen, un bloc de même genre. Dans la cour des Soeurs, une pierre semblable. En face de l'Ouvroir de l'école libre des filles tenue par les Religieuses du Saint-Esprit, une pierre rectangulaire avec 1, 30 m de longueur. Sur la route de Porscave, le village de Kerguerezoc, à gauche, semble avoir été un centre mégalithique important. Dans le mur Sud de l'aire qui précède la première maison, une pierre, avec cupule au sommet, fait partie du mur d'enceinte. Sur la gauche, au fond du chemin qui va à la poste, près d'une barrière, gît sur le sol un phallus granitique d'environ 0,50 m de longueur. Plus loin, au village de Kerludu, on aperçoit à droite, au coin d'un champ appartenant à M. Quéméneur, un joli monolithe de forme octogonale d'environ 1,30 m de hauteur, avec une large cupule au sommet. M. Kerros, âgé de 80 ans, a vu sur le haut de cette pierre une croix qui la christianisait et qui a disparu. En face, à gauche de la route, un haut rocher de largeur très réduite porte en son milieu quatre grandes cupules.
Dès le VIè siècle, l'Eglise a dû protester contre le culte des pierres. A l'adresse de ses sectateurs, le Concile de Tours, en 566, fulmine l'excommunication. Lisons le décret du Concile de Nantes en 658 : "il y a aussi, dans les lieux désolés et sauvages, des pierres auxquelles des gens, dupes des illusions des démons, rendent un culte, où ils vont accomplir des voeux et porter des offrandes,... que l'on creuse des fosses profondes et que l'on y enfouisse ces pierres, de sorte que jamais leurs adorateurs ne puissent les retrouver."
Certaines pierres phalliques subsistent toujours. On en trouve, par exemple, au pied de la tour de Penmarc'h, à l'entrée du cimetière de Trégarantec, à l'entrée du presbytère de Saint-Frégant, à Lanfeust à mi-route entre Ploumoguer et Le Conquet, au village de la Franchise aux confins du bourg de Brélès...
Une grande pierre longue de 1,50 m, large de 0,80 m, dont la partie antérieure est taillée en forme d'arc, a été découverte, il y a cinq ans, à un mètre sous terre, dans un champ non éloigné de l'embranchement des deux routes de Plouarzel à Saint-Renan, l'ancienne et la nouvelle. On la voit à 100 mètres de cet embranchement, à droite, en bordure du vieux chemin.
Au IXè siècle, Charlemagne, par l'un de ses capitulaires, ordonne de détruire ces pierres idolâtriques. Mais les coutumes païennes étaient trop ancrées pour disparaître complètement. C'est alors que le clergé christianisa certains menhirs et pierres levées en les couronnant d'une croix de granit ou en les transformant en croix. Plus tard, l'Eglise planta des sanctuaires à proximité de ces stèles de pierre, de façon à détourner le culte qu'elles pouvaient encore provoquer, sans changer les lieux où il s'exerçait. Voir par exemple les deux beaux monolithes de Loc-Maria-Plouzané. Comment se pratiquait ce culte païen ? Le Concile de Nantes parle d'adoration. Dans bien des cas, les bonnes gens prenaient contact avec la pierre de façon ou d'autre, s'étendant, s'asseyant ou se frottant pour attirer à eux sa vertu 3.
A Lampaul-Plouarzel, au hameau de Kerzaon, il y a de gros blocs granitiques mesurant de 5 à 6 mètres de longueur, sur 2 ou 3 mètres de largeur. Des cavités y sont creusées où l'on prenait, sans doute, place. Qu'on se rappelle la fameuse "gazek-ven" (la jument de pierre) de Locronan : une cavité y existe, dénommée "la chaise de Saint Ronan", où les pèlerins de la grande Troménie vont s'asseoir au cours de la procession. Vestiges d'un vieux rite païen...
Dans son ouvrage "Les Epoques Préhistoriques du Finistère"
(2ème édition 1907, p 147-148), M. du Châtelier signale
la découverte à Lampaul, en 1861, d'une cachette de fondeur,
composée de lingots de bronze, de fragments d'épées,
d'une pointe de lance, d'une hache à ailerons, d'une hache à
douille ornée sur ses deux faces de traits simulant des ailerons
et d'un racloir percé d'un trou de suspension. (Voir Bulletin de
la société académique de Brest - tome III, 1865 p
125-130.)
INDUSTRIE : L'usine de Lampaul
Une usine a été construite, en 1895, au bord de la mer à Porspaul.
L'initiative en est due à M. Herland, pharmacien à Brest. La société groupe près de 2 000 pharmaciens de la métropole et des colonies. Son but est de répartir entre les actionnaires toute la production d'iode et d'iodures divers de l'usine (Coopérative de production et de consommation).
Cette usine emploie environ 20 ouvriers et procure de l'activité à plus de 400 familles de goémonniers. L'usine est locataire de l'île Balanec de l'archipel d'Ouessant, où environ 15 bateaux vont, de mars à octobre, couper des algues qui servent à la fabrication de l'iode...
L'originalité de l'usine de Lampaul est de fabriquer non seulement
de l'iode monosublimé, mais de l'iode bisublimé et des iodures
(de potassium, de sodium, de plomb, de mercure..., de l'iodoforme, de l'iodothymol),
directement utilisables par les pharmaciens.
Lampaul ne compte qu'un seul manoir, celui qui l'on appelle "ar Prioldi", "la maison du prieur". Il se trouve en bordure de la route de Trézien, sur la gauche, à 2 ou 300 mètres de la chapelle Saint-Egarec, dans une cuvette boisée. Entre la chapelle et le prieuré, dans la prairie, sur la droite, s'élève une série d'ormeaux, auxquels le ruisseau, qui baigne leurs racines, conserve un feuillage verdoyant.
Le prieuré comprend deux parties : à gauche, une construction du XVIè siècle, décelée par une fenêtre de cette époque ; à droite, un bâtiment du XVIIè. La façade est en pierres de taille. Sur la porte sont sculptées les armoiries des Portsmoguer : 6 besants, 3 en chef, 3 en pointe, séparés par une fasce, puis un chevron avec un lion. Un escalier extérieur de pierre, sur la gauche du corps de logis, conduit au premier étage.
Le pigeonnier, en haut de la construction, en fait partie intégrante. Des pierres plates, légèrement distantes, laissent entre elles des ouvertures par où entraient les pigeons.
Derrière le manoir, se voient le jardin et le potager. Dans le voisinage immédiat, on aperçoit un étang plein de roseaux et, un peu plus loin, le moulin du prieuré.
Le manoir fut bâti par les Portsmoguer du manoir de Kermarc'har
(on prononce aujourd'hui Kervalgar) pour servir de logement au clergé.
Il porte en effet les armoiries de ces seigneurs. Victime d'un incendie
en 1911, il est actuellement en ruines. Jusqu'à cette date, il fut
habité par la famille de la ferme voisine.
Ce manoir se trouve en Plouarzel, mais il a été tellement mêlé à la vie de Lampaul que nous devons en parler.
C'est un édifice du XVIè siècle, parfaitement conservé. Une seule des fenêtres de la façade a été remaniée. A l'intérieur, se remarque un escalier de pierre, dont les degrés ont 1,60 m de longueur. Une grande cheminée de l'une des pièces est surmontée d'un linteau de granit, qui mesure 2,50 m.
Si l'on monte au jardin qui avoisine le manoir, on se trouve en face d'une statue en pierre de Saint Jean l'Evangéliste, portée sur un socle où figurent six besants, trois en chef, trois en pointe, séparés par une fasce et accostés d'un chevron, de l'autre un lion. Ce sont les armoiries des Portsmoguer (ils avaient pour devise "Var vor ha var zouar"). Plus loin, dans le jardin, on aperçoit la statue en granit de Saint François d'Assise, qui montre le stigmate de l'une de ses mains. Kermarc'har est bien abrité. On y accède par une belle allée toute boisée.
Aux XVIIè et XVIIIè siècles, les Portsmoguer habitaient le manoir de Kermarc'har et l'on retrouve souvent leurs signatures aux registres de Lampaul-Plouarzel. Aux XVè-XVIè siècles, ils résidaient au manoir de Portsmoguer, sur la côte, en Plouarzel, berceau de la famille. L'un d'eux s'illustra par sa mort héroïque sur la nef "La Cordelière", qu'il commandait, le 10 août 1512, au combat naval de Saint-Matthieu.
Les Anglais ayant ravagé, en juin 1512, la pointe du Conquet
et brûlé, entre autres manoirs, celui de Portsmoguer, une
flotte se concentra à Brest, sous les ordres de l'amiral René
de Clermont, pour s'opposer à des incursions nouvelles. Le 10 août,
les guetteurs ayant signalé le retour de l'escadre ennemie, Clermont
se porta à sa rencontre, mais s'apercevant bientôt de son
infériorité numérique, il donna l'ordre de rebrousser
chemin. "La Cordelière", qui couvrait la retraite, fut assaillie
par plusieurs gros navires, auxquels elle tint tête. Ce n'est qu'à
la nuit tombante que la nef anglaise "Le Régent", qui l'avait accrochée,
put jeter 300 combattants sur le pont ruisselant de sang du navire breton.
Voyant la partie perdue, Portsmoguer fit mettre le feu aux poudres, puis
monta dans la hune. Ce fut soudain une terrible explosion : 800 bretons
périrent et, parmi eux, le vaillant Portsmoguer. Mais "Le Régent"
prit feu aussitôt et sauta à son tour, dispersant plus de
600 cadavres ennemis. En périssant glorieusement au combat naval
de Saint-Matthieu, Portsmoguer sut immortaliser à la fois son nom
et celui du superbe vaisseau qui disparut avec lui dans l'abîme.
Deux sanctuaires existent sur le territoire de Lampaul : la chapelle
Saint-Egarec et la chapelle Saint-Sébastien, aujourd'hui église
paroissiale. Dans les archives, ces deux chapelles sont mentionnées
comme "églises de Saint Paul", dont le patronage s'exerce sur la
paroisse. Dans une pièce de 1815, Armel Le Gentil, fabricien de
l'église paroissiale, est appelé "gouverneur de Saint Paul".
En 1804, M. Marzin, recteur, considérait ce saint comme titulaire
de son église.
Le prieuré de Lampaul-Plouarzel était un prieuré-cure relevant de l'abbaye de Saint-Matthieu. L'Abbé présentait le vicaire perpétuel ou Recteur, titulaire du bénéfice, mais c'était l'évêque de Léon qui faisait la nomination et conférait la charge.
Fondée, selon la tradition, au VIè siècle, par Saint Tanguy, l'abbaye de Saint-Matthieu fut, de siècle en siècle, pourvue de droits et de prérogatives tant spirituels que temporels. Elle jouissait de larges revenus qui lui firent une situation très prospère. Plus d'une fois, elle fut saccagée par les Anglais. En 1598, elle subit de leur part des dégâts considérables et la décadence commença. Le 22 mai 1790, il n'y avait à Saint- Matthieu que quatre religieux et un domestique.
La chapelle Saint-Egarec se trouve à environ un kilomètre
au Sud-Ouest du bourg. Toute blottie contre la dune, ombragée de
deux ormes qui ont résisté aux tempêtes, elle se présente
comme un monument remanié du XVIè siècle. Ce qui permet
de l'affirmer, c'est l'ogive qui figure au fronton et qui a été
aveuglée au moment de la restauration. La date de ce remaniement
nous est fournie par l'inscription qui domine la porte d'entrée.
Antérieurement à cette époque, l'église était plus longue et en ruines depuis 1758. On a supprimé toute la partie Est du monument en conservant l'arc diaphragme qui supporte un petit clocher. Les fenêtres de la partie qui subsiste portent le caractère du XVIIIème siècle. La chapelle mesure actuellement 12 mètres de long sur 6 de largeur.
A l'autel très modeste, lui aussi du XVIIIè siècle, figurent deux statues : du côté de l'Evangile, un vieux Saint Egarec, costumé en abbé ; du côté de l'Epître, une Notre-Dame du Bon-Secours, tous deux du XVIè siècle.
Le sol de la chapelle est recouvert de grandes dalles en pierre, dont plusieurs portent des écussons. Nous avons remarqué les armes des Portsmoguer : les six besants séparés par une fasce, puis d'autres qui portent "trois quintefeuilles" et seraient les armes des Bellingant, seigneurs de Kerbabu, en Lannilis, ou celles des Maestrius, seigneurs du Pouldu, en Ploumoguer, et auxquels appartenait le manoir du Quelen en Lampaul (il y a en Lampaul, le village du Hellen). Sur un écusson, on lit : S. BUBI.
Un lavoir désaffecté avoisine la chapelle. Plus loin, dans la prairie, se trouvait la fontaine de dévotion, aujourd'hui desséchée.
Saint Egarec était invoqué pour les maux d'oreilles et la surdité. La pardon, qui avait lieu le dimanche de la Trinité, fut supprimé vers 1895. Désormais, on se borne à y chanter les vêpres ce jour-là.
On peut présumer que la chapelle du XVIè siècle fut précédée d'un autre sanctuaire datant de l'époque de la renaissance religieuse, c'est-à-dire des XIè ou XIIè siècles. Le prieuré primitif fut sans doute un petit oratoire habité par deux ou trois moines.
Saint Egarec a des chapelles à Lesneven, Kerlouan et Briec.
La chapelle de Saint-Egarec, à Lesneven, est à un kilomètre environ de la ville, dans un petit vallon, un peu à droite de la route de Brignogan. Elle tombait en ruines et son pardon était complètement abandonné depuis une vingtaine d'années, lorsque M. le Chanoine Calvez, curé de Lesneven, eut l'idée de la rebâtir. Il fit venir des pierres de taille d'un vieux manoir de Kerlouan pour reconstruire les murs. C'est aujourd'hui une jolie chapelle, toute petite : il y a à peine place pour une vingtaine de personnes. La procession paroissiale s'y transporte de nouveau chaque année, le jour du pardon, un dimanche de juin, pour y chanter les Vêpres.
Le culte de Saint Egarec est encore connu à Kerlouan, où il a une belle chapelle, assez grande, située à 3 kms du bourg, tout près de la mer. Le pardon est très fréquenté par les gens de Kerlouan, Guissény, Saint-Frégant et Plouguerneau qui y viennent parfois par mer ; la procession paroissiale s'y rend toutes bannières déployées ; il y a grand-messe et vêpres. L'on y dit souvent la messe. Autour de la chapelle, un placître assez vaste, clos de murs, dans lequel, autrefois, on enterrait les gens du voisinage.
A Briec, on vient à la fontaine du saint pour demander la guérison
des maux d'oreilles.
Saint-Sébastien
Cette chapelle se trouve au bourg. En forme de croix latine, elle n'a
rien de remarquable. Elle semble dater de la première moitié
du XVIIè siècle. On en trouve mention dans les archives municipales
à la date du 22 septembre 1676.
Le côté du Midi, les pignons Est et Ouest possèdent un revêtement de pierres de taille. La hauteur des murs latéraux ne dépasse pas 3,10 m et celle de la nef, sous plafond, n'atteint que 5,80 m. Une grande tribune envahit une bonne partie de cette nef. La longueur intérieure est de 22,75 m sur une largeur de 8,16 m. Il y a un transept formant deux chapelles. La superficie totale est de 229 m².
Le maître-autel doit dater du milieu du XVIIIè siècle. Il porte, au fronton, l'agneau symbolique de l'Apocalypse. Il est surmonté d'une grande peinture sur bois, qui représente le Christ crucifié. Du côté de l'Evangile, apparaît la statue de Saint Paul de Léon avec son dragon (XVIè siècle) ; du côté de l'Epître, une Vierge Mère du XVIIIè siècle, qui tient en main un sceptre.
A l'autel latéral Nord, une peinture sur bois représente le Purgatoire, d'où un ange aux larges ailes délivre les âmes souffrantes. On voit, du côté de l'Evangile, le Patron de la chapelle, Saint Sébastien, percé de flèches : statue du XVIè siècle, exactement du même type que le Saint Sébastien de Brélès. On sait que ce saint est invoqué pour les épidémies : les flèches dont il est percé rappellent les coups douloureux portés par la maladie.
Du côté de l'Epître, une pieuse statue, ancienne également, de Saint Jacques, qui est en grande vénération à Lampaul. Le tabernacle est garni de petites colonnes torses et d'un ciboire sculpté. Contre le mur, à gauche, une statue de sainte, au-dessous de laquelle on lit "Sainte Anne" et qui doit être d'une autre sainte.
L'autel latéral Sud est agrémenté d'une peinture sur bois, figurant la Vierge de l'Assomption ; les pieds posés sur le globe terrestre, elle monte au ciel. Du côté de l'Evangile, apparaît Saint Joseph. Du côté de l'Epître, une Vierge Mère originale, du XVIIIè siècle, que l'on a prise à tort pour Sainte Marguerite. Le front ceint d'une couronne de marquis, couverte d'un manteau à vastes plis, elle tient dans la main droite le globe du monde surmonté d'une croix ; de la gauche, elle soutient l'Enfant Jésus, debout sur une colonnette, les bras étendus. A côté d'elle, un serpent au corps sinueux mord la pomme. "Cette statue, note Toscer, est très vénérée dans le pays. Les mères de famille, après les relevailles, ne manquent pas d'aller invoquer la sainte et de lui faire une offrande" (le Finistère pittoresque, 1906).
La chaire à prêcher, relativement moderne, porte en relief les statues des quatre évangélistes avec leurs emblèmes : Saint Matthieu avec une figure d'homme, Saint Marc et son lion, Saint Luc avec son boeuf, Saint Jean et son aigle.
Une vieille horloge se trouve à la tribune et marque gravement les heures, tout en faisant entendre constamment son tic-tac. Le cadran est à l'extérieur.
Le petit clocher du XVIIè siècle renferme trois cloches. La plus ancienne est du 22 Messidor an X de la République ; les deux autres datent du rectorat de M. SAOUT et sont de 1860.
L'enclos du cimetière renferme une croix à long fût octogonal, aux personnages anciens (XVIè - XVIIè siècles). L'envers est tourné vers l'église. Le Christ en croix est accosté de la Vierge et de Saint Jean l'Evangéliste. A l'envers, tourné vers la place, on remarque, à gauche, Saint Sébastien, les pieds liés et portant sur tout le corps les marques des flèches qui l'ont tué ; au centre, Saint Paul de Léon avec son dragon à large queue ; à droite, un saint évêque, sans doute Saint Jacques. On voit encore, dans le cimetière, une croix moderne de kersanton, sur le soubassement de laquelle on lit : "Souvenir de la Mission et du Jubilé 1881".
La fête patronale a lieu le premier dimanche de mai, fête de la translation des reliques de Saint Corentin et de Saint Paul, patrons du diocèse. Le pardon se faisait jadis le dimanche après le 12 mars et arrivait ainsi pendant le carême, dont on observait alors rigoureusement l'abstinence. "Les paysans, observe Toscer dans "le Finistère pittoresque", allaient à la grève quérir, pour leur nourriture, les "bréniks" (patelles), coquillages très abondants sur la côte ; d'où le nom de "pardon des bréniks" qu'on lui donnait, et qu'il a conservé même de nos jours."
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Quand le service paroissial a-t-il cessé dans la chapelle Saint-Egarec pour être transféré dans la chapelle Saint Sébastien ?
Voici un document du XVIIIè siècle qui va éclairer cette question. Le 11 août 1771, dans une délibération du corps politique de Lampaul, Jacques Milbéo, faisant pour le marguillier en charge, absent, remontre que "depuis neuf à dix ans, par permission de Monseigneur l'Evêque et de Monsieur l'Abbé Ollivier, ancien prieur, l'office se fait dans cette chapelle Saint-Sébastien, que le général (c'est-à-dire le corps politique administrateur de la paroisse) a bâti et agrandi de ses propres deniers, qui demande encore des réparations et qu'on a dessein depuis longtemps d'ériger en Eglise paroissiale, parce que :
1 - elle est assez grande pour cela
2 - elle est au milieu de la paroisse, ce qui est d'une grande commodité
tant pour les malades qu'autres à cause d'administrer les sacrements
3 - la fabrice n'a point de fond pour réédifier l'ancienne
église, qui courrait le risque d'être enterrée dans
le sable, étant située près de la mer
4 - au dessus du consentement du prieur, si elle était érigée
en église paroissiale, le prieur serait obligé de fournir
des fonds pour contribuer à cette érection."
On décide de consulter trois bons avocats à Rennes, pour ériger la chapelle Saint-Sébastien en église paroissiale et savoir si on peut faire contribuer le prieur, seul décimateur en la paroisse, à contribuer aux frais de cette érection et à l'embellissement de cette chapelle. Les avocats en question sont MM. de la Chenardais, Boilève le Jeune et du Parc Poullain.
Le document est signé de M. Iliou, recteur, et des notables présents (archives du presbytère de Lampaul).
Trois ans plus tard, dans un procès-verbal de visite épiscopale, Monseigneur François de la Marche, évêque de Léon, déclare que l'érection de Saint-Sébastien en paroisse est une chose nécessaire parce que l'ancienne église de Saint-Paul, c'est-à-dire la chapelle Saint-Egarec, est à peu près démolie et qu'elle se trouve dans le fief du Roi (archives de l'évêché). Saint-Sébastien relevait du fief du Chastel, ainsi que les terres nobles de Plouarzel.
Les archives municipales mentionnent que, le 13 septembre 1758, fut inhumée dans le cimetière de Saint-Sébastien, bénit à cet effet, Marie Gratien, du Reun.
Quelques semaines auparavant, le 23 juillet, avait été bénite par M. Le Pape, recteur, une cloche pour Saint-Sébastien, nommée Louis-Sébastien-Marie. Parrain fut messire Armand-Louis de Pontan, comte de Biron et Seigneur du Châtel, représenté par Sieur Lanven, sieur de Kerbernard, son procureur fiscal ; mar-raine, demoiselle Marie Jeanne de Portzmoguer, de Kermarc'har.
Les inhumations continuent de se faire dans ce cimetière, ce qui montre, qu'à cette époque, la chapelle Saint-Egarec, en mauvais état, et son cimetière furent désaffectés.
Saint-Egarec sera restauré en 1838 par M. Stéphan, recteur.
Une chansonnette bretonne, une gwerz, commémore l'événement
; elle nous a été aimablement remise par M. Cornen, ancien
entrepreneur de Lampaul. La voici avec la traduction française :
Gwerz nevez composet da Sant Egarec
Habitanted da Sant Egarec
tostait oll da velet
an esquern pere a zo cavet
e chapel a Sant Egarec
Tri-ugent vloas a zo paseet
abaoue ma eo negliget
Brema e ma savet a nevez
gant sicour Sant Paul, Patron ar barrez
gant sicour ar person, ur baelec mad
An autrou Stephan eo an tad
a zo truezus meurbet
ous an anaoun abandounet
Da ouel an anaoun, da ouel an oll sent
epad ar bloas hag a bep poent
e vezo great pedennou
ma vezint delivret eus o foanniou
Tud ar barrez tud ar c'harter
c'houi a bedan e ber amzer
da zont da zuliou da bardaez
da bidi Doue er chapel nevez
Ha pas tremenet en ilis
livirit ur pater pe un de profundis
pe guemerit ur bannet dour benniguet
da soulagi an anaoun abandonnet
an dud charitabl pere o deus roet
offrançou da chapel Sant Egarec
oll e vezint tout recompanset
gant an tri ferson eus an Dreinded
Gwerz nouvelle composée pour St Egarec
habitants de Saint Egarec
approchez tous pour voir
les ossements qui sont trouvés
en la chapelle de Saint Egarec
Soixante ans sont passés
depuis qu'on l'a négligée
maintenant la voici debout de nouveau
avec l'aide de St Paul, patron de la paroisse
Avec l'aide du recteur, un bon prêtre
Monsieur Stéphan est le père
qui est extrêmement compatissant
à l'égard des défunts abandonnés
Pour la Toussaint et la fête des morts
pendant l'année et à tout moment
on dira des prières
qu'ils soient délivrés de leurs souffrances
Gens de la paroisse, gens du quartier
c'est vous que je prie de bientôt
venir les dimanches dans la soirée
prier Dieu en la chapelle nouvelle
Et quand vous passerez à l'église
dites un pater ou un de profundis
ou prenez un peu d'eau bénite
pour soulager les défunts abandonnés
Les gens charitables qui ont donné
des offrandes à la chapelle Saint Egarec
seront tous récompensés
Par les trois personnes de la Trinité
Notice sur la bâtisse de Saint Sébastien
On commença, en 1759, par faire une cloche qui se trouva trop
grande pour le clocher. C'était par les soins de M. Pape, qui était
alors Recteur de Lampaul. Il fallut faire une tourelle pour cette cloche
et, en même temps, on commença à agrandir l'église
par le bout du couchant. Entre temps, M. Pape mourut. La construction fut
interrompue ; mais au bout d'un an ou deux, M. Iliou, qui eut la paroisse
de Lampaul, au concours, y fit travailler derechef, et comme elle se trouva
finie en 1762, il obtint de l'ordinaire d'y faire transférer de
Lampaul-Coz le Saint Sacrement et tout ce qui était nécessaire
pour y faire les fonctions paroissiales.
Faits divers de l'époque
L'hiver de l'année 1763 fut remarquable en ce qu'au mois de janvier
il n'y eut ni pluie, ni mauvais temps, en sorte qu'il était beaucoup
plus facile de voyager qu'au mois de juillet... Mais, l'hiver suivant le
fut aussi, par la plus grande tempête qu'on ait vue -la pluie et
la neige-. Pendant tout l'hiver, il ne se
passa point de semaine qu'il n'y eut des ouragans ; point presque de
jour qu'il n'y eut de la pluie... et la neige commença au commencement
de mars, dura de 15 à 20 jours et pendant une semaine de la profondeur
de 2 pieds.
Cette année 1764, on fit des noces dans cette paroisse, savoir
: Hervé Le Hir de Kermeuleugan avec Marie Madeleine Kérebel
de Coat-Fesson, qui étaient parents au quatrième degré
de consanguinité, sans qu'on le sut que le lendemain du jour des
noces. Ils obtinrent dispense et on procéda le samedi au soir de
la même semaine àla réhabilitation de leur mariage.
Calvaires et Croix
Dans l'enclos du cimetière paroissial, s'élèvent deux grands calvaires. L'un, à fût octogonal, long de trois mètres, est soutenu par un solide soubassement : il a l'avers tourné vers l'église, l'envers vers la grande place. A l'avers, le Christ est accompagné de Saint Jean à sa droite, de la Vierge à sa gauche. A l'envers, se tient Saint Sébastien, derrière la Vierge. Dans l'église, il est percé de flèches ; ici, pour indiquer son martyre, on lui a lié les pieds ; mais, de plus, il porte sur tout le corps les marques des flèches qui le tuèrent. Au centre, derrière le Christ, se tient, costumé en évêque et de dimensions plus restreintes, Saint Paul de Léon : à ses pieds, on voit son dragon, figuré par une sorte de chien ou de loup à large gueule. Plus loin, adossé à Saint Jean, un saint évêque. La partie supérieure du calvaire, qui est en kersanton, semble de la fin du XVIè siècle ou du début du XVIIè. Elle doit être contemporaine de l'église.
Non loin, à côté du Monument aux morts des deux guerres, se dresse un autre calvaire, dont le fût bosselé mesure, lui aussi, environ trois mètres. C'est un souvenir de la Mission de 1881, bénit le 6 juin de la même année.
A l'embranchement des routes de Porstpaul et de Porscave, s'élève
un calvaire, reposant sur un haut soubassement et dont le fût mesure
trois mètres. La partie supérieure représente? d'un
côté le Christ en croix, de l'autre côté la Sainte
Vierge. On lit sur le socle : "Mission... Colleau Maire...". Le reste est
indéchiffrable. Ce calvaire s'appelle "ar groaz nevez" la nouvelle
croix. Il est au sein d'une enceinte rectangulaire, dont le mur de clôture
fut construit en 1860. Ce doit être la date approximative du calvaire
lui-même.
Mentionnons quelques croix :
1 - Croaz ar C'hréac'h,
non loin de l'école des Soeurs, à l'embranchement de la petite
route qui va
de Saint-Egarec à Plouarzel.
2 - Croaz Hir, "la croix longue",
au village de même nom, sur la route de Porscave. Un maladroit l'a
déplacée de quelques mètres il n'y a pas longtemps
et en a cassé l'un des bras. Cette croix,
comme la précédente, est taillée dans une grande
pierre ou menhir.
3 - Croaz ar Reun. Elle existe
dans un hameau, encastrée dans une citerne.
4 - Croasiou berr, "les croix
courtes", à Tinevez, à la sortie du bourg en Plouarzel. Petite
croix sur un talus. L'autre a disparu.
5 - Sur le mur d'enceinte de Saint-Egarec, petite croix dont l'une des branches a disparu.
6 - le monolithe de Kerludu, portant
une croix.
2 - On signale, dans une lande bordant l'ancienne route de Plouarzel à Saint-Renan, sur le territoire de Plouarzel, un menhir de onze mètres de hauteur. C'est le menhir de Kervéatous. On s'y frottait anciennement la force ou la fécondité ; vestige de croyance païenne : on prétendait attirer à soi la vertu de la pierre.
3 - Un petit monolithe existe près
de la chapelle Saint Tual en Loctudy. Une bonne femme m'a dit, il y a une
quinzaine d'années, que certaines gens s'y frottaient.