Lampaul possède actuellement deux ports : Porspaul et Porscave. L'origine du premier nom ne semble pas poser de problème. Il se décompose en Pors-Paul : le port de Paul. Le Paul en question est certainement Saint Pol Aurélien qui, d'après la légende locale, arriva dans ce port il y a 1 500 ans de cela pour fonder un ermitage (= lann) d'où le nom de Lann-Paul qui donna par la suite Lambaol en breton et Lampaul en français.
Le second nom, en revanche, intrigue et ne présente pas d'emblée une étymologie triviale. Les prononciations locales bretonnes, poskaf, voire pouskaf, ne renseignent guère. Elles ont néanmoins le mérite d'écarter une traduction fantaisiste suggérée par le nom porté sur la carte IGN : Porscav = Pors-Skao = le port du sureau. La graphie Pors-Cave qui tend à se développer propose par son découpage une étymologie a priori limpide = le port de la cave. Pourtant, dans sa monographie rédigée dans les années 1950, le chanoine Pérennes s'insurgeait déjà contre cette tendance : "Porscave = le port de l'esquif. Le nom de ce village a été odieusement altéré. L'original est certainement "Pors-Scaff" : "le port de l'esquif". La cave française n'a rien à y démêler." Un linguiste breton, et pas des moindres puisqu'il s'agit d'Albert Deshayes, bien connu des lecteurs de la revue Ar Men, s'est laissé abuser par la graphie Pors-Cave. Dans son dernier ouvrage1, il commente en effet à l'entrée KAW (page 53) : "kaw" = cave, creux, issu du moyen breton caff, se relève employé (...) dans Porscave en Lampaul-Plouarzel". Cette étymologie hardie ne repose ni sur des prononciations, ni sur des formes anciennes.
Et pourtant... en parcourant les registres de naissances (baptêmes),
mariages et décès (sépultures), on peut pister le
toponyme au fil des années. L'enquête est très instructive.
1906 : Porscave
1880 : Porscaff
1862 : Porsascaff
1838 : Porsascaf
1836 : Porsarscaf
1762 : Porzascaf
1756 : Pors ar Scaff
1716 : Portz an Scaff
Le second composant du nom de lieu apparaît clairement
comme étant scaff, mot dont l'usage et même le sens
s'est perdu2 à Lampaul. Le nom de la crique voisine Pors Skaf ar
Bagou confirme cette perte de sens si l'on attribue la signification
de "bateau, esquif" au mot scaff, ce dernier toponyme étant
alors à traduire par le port des bateaux, le pluriel bagou (= bateaux) étant toujours parfaitement vivant à
Lampaul en cette fin de XXème siècle.
La meilleure traduction du terme scaff est tout simplement "escaffe"3, mot couramment employé en français du Moyen-Age pour caractériser des petits bateaux s'adonnant au cabotage. Ce type de bâtiment faisait partie du paysage maritime lampaulais au XVème siècle puisqu'il est attesté4 qu'une escaffe baptisée Notre Dame de Tressien débarqua des fûts de vin à Portz-Paul en 1407.
On est donc très loin du port de la cave. Si cela était
possible, un changement de graphie5 de Porscave pour Pors-Scaff
permettrait au port de se réapproprier une partie importante de
son histoire et valoriserait un peu plus le site destiné à
recevoir le musée du Mad-Atao où l'origine du mot scaff sera certainement expliquée. Question de prestige...
Yann
RIOU
Septembre 1999.
2 Les anciens gabariers nés au début du siècle que j'ai consultés dans le cadre de mes enquêtes toponymiques en ignoraient le sens en 1987.
3 Cf. encart "de skaf... en gobar" - extrait de l'article "Recueillir
les noms de la côte" Yann Riou et
Pierre Pondaven pour le Chasse-Marée n° 76 - novembre
1993.
4 Y. Lulzac. Chroniques oubliées des manoirs bretons. Tome II. Ed. Y. Lulzac. Nantes 1996.
5 Adopter une graphie bretonne du type Porz Skaf ou Porz ar Skaf
serait idéal. Mais un tel changement ne peut intervenir seul,
sans révision globale de la toponymie lampaulaise, projet coûteux qui n'est pas à l'ordre du jour.